samedi 5 avril 2025

 

6. Gris  -  Un conseil donné par quelqu’un qui n’est pas proche

 

     Comme son cher miroir de la salle de bain ne cesse de lui renvoyer une mine défaite, Isabelle finit par faire un saut à la pharmacie pour se racheter du sirop pour la toux. Alors qu’elle s’apprête à quitter la caisse, elle se ravise et rappelle l’employée :

-Euh, dites-moi… Pour apaiser le stress… soutenir l’humeur, vous conseillez quoi ?

La pharmacienne se fend alors d'une énumération détaillée de toutes les vitamines adéquates. Mais devant l’air dubitatif de la cliente, elle finit par suggérer :

-Zafranax, peut-être ?...Ou alors, du Lysanxia.

 

Lysanxia, parfait ! Ses propriétés anxiolytiques ont eu un effet immédiat. Trois petites gouttes sur la langue ce matin et Isabelle se sent beaucoup mieux. Il le faut absolument. Car c’est « Le » jour. Le jour de la séance de Waterkijn !

Il est déjà là d’ailleurs, ponctuel, souriant, charmeur, et prêt en boxer pour sa séance de revalidation.

-Comment allez-vous ? entame-t-elle en l’invitant à prendre place sur la table de travail.

Mais, à peine s’est-il allongé, que l’homme frissonne.

-Ah, oui, le temps s’est fraîchi, confirme-t-elle. Attendez, on va remédier à ça.

Petit clic sur un interrupteur, et la planche est aussitôt parcourue d’un agréable flux de chaleur.

-Ah, c’est mieux ! Et rapide avec ça ! Merci.

Elle se prépare alors à le masser : un coussinet est glissé au creux du genou droit, et ses mains prudentes mais fermes commencent à manipuler les articulations et muscles de la jambe gauche.

-Et vous, comment allez-vous ? l’interroge-t-il à brûle pourpoint.

-Très bien, merci.

-Vraiment bien ?

Si le ton de la question lui a paru légèrement appuyé, elle renvoie néanmoins la balle avec un brin de hauteur.

-Oui, pourquoi ?

-Il m’a semblé que vous étiez un peu tendue l’autre jour.

La réplique est inattendue mais elle ne désarme pas :

-Ah bon, qu’est-ce qui vous fait dire ça ?

-Eh bien, vous avez réagi un peu brusquement lorsque je vous ai parlé d’une balade.

Nouvelle échappatoire d’Isabelle :

-Vraiment ? Je ne vois pas de quoi vous parlez.

-Moi, je vois. Et je sais !

Le sourire satisfait qui vient de lui être décoché n’empêche pas Isabelle de continuer à pétrir la jambe de son patient avec sérénité.

-Je crois même savoir pourquoi vous êtes réticente à vous aventurer en forêt.

-Ah oui, et pourquoi ? rétorque-t-elle avec une pointe d’ironie cette fois, convaincue qu’il vaut mieux entrer dans le jeu qu’il lui impose.

-Eh bien, figurez-vous que c’est mon voisin de palier - un sacré petit étourdit, celui-là ! - qui a percuté votre voiture dans la drève de Lorraine, il y a quelques années. Et j’ai été  indirectement témoin de l’événement. Car c’est mon père qui s’est proposé d’aider la maman à remplir les papiers d’assurances. Si, croyez-moi, c’est ainsi que j’ai beaucoup entendu parler - photos à l’appui ! - d’une dame, kiné en l’occurrence. Une certaine Parmentier, émue et perturbée par ce qui venait de lui arriver.

A l’écoute de ce qu’il vient de révéler, Isabelle s’est redressée, massages en suspens, les yeux écarquillés.

-Le monde est petit n’est-ce pas ? conclut-il triomphant.

Pas d’autre issue pour elle cette fois que de rendre les armes avec un sourire complice.

 

Elle en sourit encore chez elle le soir.

Le monde est petit en effet, marmonne-t-elle.

Et toi, Waterkijn, t’es culotté !

Mais t’as de belles jambes, tu sais.

 


 

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598 Mots

 

6 commentaires:

Jan M. a dit…

Bonjour Micheline,
Ah, nous apprenons enfin qui est ce Waterkijn !
Et Isabelle est prête à accepter qu'elle est réellement tombée sous le charme de cet homme aux jolies jambes...
Et si ton héroïne, dans un baroud d'honneur, refusait les avances de son patient ? Cela offrirait une fin bien dans l'ambiance du début mais pourquoi pas aller vers une fin plus romantique...
Tu décides évidemment, et le dé aussi sans doute.
Vivement le dernier texte !
Bien amicalement,
Jan.

José V. a dit…

Chère Micheline,
L'attitude d''Isabelle s'éclaire et ce chapitre tout en jeu de séduction discrète vient faire espérer une relation heureuse entre Waterkijn et elle.
Mais ce serait oublier cet autre traumatisme, celui de l'accident d'Alice, son amie.
Et si cette dernière ou quelqu'un qui lui est proche venait raviver ce traumatisme ? Pour le dissiper (peut-être Alice n'a gardé de l'accident aucune séquelle) ?
Et le miroir quel rôle jouera-t-il dans la scène finale ?
Vivement la suite, pour le savoir.
Amitiés,
José

Atelier Windels a dit…

Bonjour Micheline,
D'abord, je me pose la question de la différence d'âge entre Waterkijn et Isabelle puisqu'il n'était qu'un enfant quand son père est intervenu lors de l'accident par la kiné au volant ?
Merci de nous avoir donné toutes ces informations sur tes personnages.
J'espère que cela ne te compliquera pas trop les choses pour ton texte final...
Et si Waterkijn se révélait être un être négatif ?
Dans l'attente de découvrir la conclusion...
Amicalement,
Michel.

Andrée D. a dit…

Bonjour Micheline,
Voilà Isabelle toute ragaillardie par le remède conseillé par la pharmacienne. Son humeur guillerette persistera-t-elle au delà de la prise de médicaments ? Quid de la fameuse balade en forêt ? Et si Isabelle se désintéressait du beau Waterkijn, un peu trop "lourd" à son goût ?
Ta jolie plume nous réserve sans doute encore une surprise.
Je m'en réjouis. Amicalement.
Andrée

christian Vanderstraeten a dit…

Bonjour Micheline,

Waterkijn se dévoile. Le lysanxia ne devait plus être nécessaire pour le bien-être d’Isabelle. Une belle romance débute-t-elle ? Nous le saurons lors de l’épilogue que nous attendons tous avec une certaine impatience.

Bon dialogue. Belle écriture. Au plaisir d’apprendre la fin de cette histoire (d’amour ?)
Cordialement, Christian

Liliane a dit…

Bonjour Micheline,

Un texte bien écrit, comme d‘hab mais qui, à mon avis n’apporte pas grand-chose sur le plan, de l’intrigue. Finalement l’implication de Waterkijn à propos de l’accident est sans intérêt puisqu’elle n’a aucune répercussion affective. Pourquoi a-t-il voulu confronter Isabelle à ce souvenir ? Ça flotte un peu.
Il me semble qu’au moment de la mise au point finale tu devrais, soit renforcer l’implication, lui donner une solide dimension affective, soit changer de sujet. Ce pourrait d’ailleurs être Isabelle qui explique à Waterkijn pourquoi cette balade lui fait peur. Ce serait tout à fait cohérent dans la mesure où elle est attirée par Waterkijn, fatiguée par la toux persistante et fragilisée émotionnellement par le rappel involontaire de l’accident. Bref, elle craquerait ! Ce n’est évidemment qu’une suggestion.
Michel pose la question de l’âge de Waterkijn. Rien ne dit que Waterkijn était encore enfant au moment de l’accident de son petit voisin même s’il vivait encore chez ses parents. De toutes façons, qu’il soit (beaucoup) plus jeune qu’Isabelle, n’empêche pas une histoire d‘amour. La question est cependant judicieuse dans la mesure où elle permet de mieux situer le personnage. Il suffirait qu’Isabelle pose la question, d’ailleurs indispensable, lors du premier rendez-vous au chapitre 3.
Contrairement à José, je ne pense pas qu’il faille revenir sur l’accident d’Alice qui, s’il a rendu Isabelle particulièrement sensible aux accidents de la route ne me semble pas susceptible d’impacter sa relation avec Waterkijn.
Quant au dénouement, si tu ne le connais pas déjà, je te suggère, à tout hasard que, en fin de compte, Isabelle prend peur et ne donne pas suite à l’ébauche de relation avec Waterkijn et une couleur, le jaune.
Bon travail,
Liliane

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