Texte 1 - Jaune
- Dépression
La
mise en route du matin est un vrai rituel, pour Isabelle. Après avoir pris sa
douche, avalé son petit déj’, s’être brossé les dents et avoir donné vie à son
regard avec quelques coups de rimmel, elle se tourne vers son petit miroir
préféré pour y cueillir son approbation. Comme un coup d’envoi, en quelque
sorte!
Tout
va bien, elle peut y aller ! A la cuisine en bas, elle s’enfile encore un
p’tit
café. Et même un deuxième ! Puis
elle endosse une veste et se dirige vers la sortie de la maison.
Le cabinet n’est pas loin et les
consultations ne commencent qu’à dix heures. Elle est dans les temps, tout va
bien.
Premier réflexe
en arrivant, un coup d’œil circulaire pour en vérifier l’état de propreté du
local, et pour repérer le nouveau grand miroir vertical dans lequel les
patients pourront juger de l’état de leur
profil et des progrès accomplis. Ensuite – hygiène oblige! – elle se presse
d’aérer la pièce.
La voici à présent assise à la petite table qui lui sert
de bureau où elle rassemble ses dossiers et accueille chaque patient.
La première personne qu’elle traitera aujourd’hui
est une dame d’un certain âge qui se dit
accablée de douleurs dorsales. Une prescription du médecin sera plus explicite.
Un petit vent
frais la fait frissonner tout à coup. Elle se lève pour aller fermer la
fenêtre. Belle journée en perspective ! Pourtant… Qu’est-ce qui l’empêche
de se laisser gagner par les bienfaits de cette belle lumière ambiante ?
Tout va pour le mieux, non ?
Oui. Enfin… il y a toujours cette ombre en
arrière-plan. Le départ de Serge ! Ce coup d’éclat qu’elle n’a pas vu
venir… Une usure du quotidien qu’elle s’est sans doute efforcé d’ignorer.
C’est pourtant lui qui était venu la chercher après une soirée chez des amis,
lui qui s’était obstiné avec des ruses de séduction délicate… Elle avait fini
par céder devant son assiduité, confondue par son charme ravageur. Mais
l’emballement n’avait duré qu’un temps, un autre désir s’était emparé d’elle :
l’envie de parfaire son métier en optant pour une nouvelle approche de la kinésithérapie,
la RPG, Revalidation Posturale Globale, une discipline infiniment plus fine et délicate.
Il avait fallu suivre à nouveau des cours en
Faculté, se prêter à des stages, en Belgique et à l’étranger.
L’éloignement, les absences avaient fini par avoir
raison des liens qui les unissaient, Serge et elle.
-Fais gaffe ! lui avait
soufflé Catherine, son amie. Tu disparais comme ça, en France et ailleurs,
pendant des jours et des jours. Mais… les hommes, tu sais… !
Et son homme, en effet, s’était
fatigué. Il l’avait quittée. ? Un grand vide s’était emparé d’elle. Moins
vif, à ce jour, mais présent malgré
tout.
Même lorsqu’elle se pâme devant un beau ciel bleu.
Elle sursaute. On vient de sonner
à la porte. Dix heures ! Ah, oui c’est sa première patiente ! Vite
elle pousse sur l’ouvre-porte, et vite aussi elle rajuste sa tenue et se
désinfecte les mains.
-Bonjour, Madame ! Entrez,
je vous prie… Vous allez bien ?
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6 commentaires:
Bonjour Micheline,
Un début de journée morose où l'on apprend qu'Isabelle s'est fait larguée par un Serge insatisfait !
Elle n'y est pas pour rien, elle a été peu disponible semble-t-il...
Depuis quand fait-elle passer sa vie professionnelle avant sa vie affective ? Est-ce que cela en a été toujours comme ça ? Ou est-ce le résultat d'une autre expérience malheureuse ?
Tu nous offre un joli tableau impressionniste, tout en petites touches délicates et discrètes
Un régal.
J'ai hâte d'en savoir plus, notamment sur ce qu'il advient du miroir aux carrelages jaunes....
Bien amicalement,
Jan.
Bonjour Micheline,
Tu nous offres un texte dense et qui nous apprend beaucoup de choses : "une journée dans la vie de..." Isabelle !!!
Isabelle rejoint la cohorte de tes héroïnes, des femmes qui ont du mal à gérer leurs amours...
Sera-ce le cas encore une fois ou la fin de cette histoire sera-t-elle différente ?
Depuis quand a-t-elle conscience de cette malédiction ?
Je suis curieux de découvrir la suite...
Bien amicalement,
Michel.
Bonjour Micheline. Sans doute Serge n'était-il pas si important dans la vie d'Isabelle... ou Isabelle dans la vie de Serge. Autrement l'éloignement aurait été un stimulant plutôt qu'un éteignoir. Je ne doute pas qu'Isabelle nous prépare une suite aux douces nuances de son miroir. A part Serge, a-t-elle toujours vécu en solitaire ? Depuis quand ? Je me réjouis d'en savoir plus au fil de ta belle écriture.
Amicalement. Andrée
Bonjour Micheline,
Isabelle voit sa vie bouleversée mais je ne la sens pas trop déprimée, juste une coup de blues. Est-ce parce que son travail avec ses contraintes l'accapare ?
Je ne la sens pas trop attachée à Michel. Depuis quand axe-t-elle la majeure partie de sa vie sur son travail ?
A-t-elle fait la connaissance de quelqu'un d'autre lors de sa formation et de ses stages ?
J'attends la suite.
Bonne fin d'année,
José
Bonjour Micheline,
On en apprend un peu plus sur Isabelle et son mode de vie apparemment banal et discret. Est-ce le jaune de la trahison qui t’a suggéré le départ de Serge ?
En tous cas, cela enrichit la personnalité d’Isabelle qui nous apparaît maintenant fragilisée, mais se maintenant droite, en partie sans doute grâce à son travail et à un mode de vie ritualisé. C’est aussi ce qui la rend attachante.
Quant aux miroirs, ils sont bien présents, mais n’ont rien de particulier pour l’instant. On attend…
L’écriture est comme d’habitude fluide et élégante da sa simplicité travaillée.
Dans ton prochain texte qui sera noir un enfant donnera des conseils à Isabelle, la fera réfléchir.
Bon travail,
Liliane
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